
Randonnée des phares mythiques
17 phares, 9 heures de navigation en haute mer, près de 200 km... inoubliable !
Préambule
Avec 56 phares jalonnant les 2 200 km de côtes du département, le Finistère affiche la concentration la plus importante de phares au monde.
C'est donc une randonnée en mer d'Iroise à la rencontre des phares, unique en son genre, que je souhaite partager. Cette sortie à bord d'un semi rigide, équipé pour la navigation en haute mer et motorisé en conséquence (2 x 300 chevaux), est organisée par Archipel excursions. Possible uniquement lorsque les paramètres de marée et de météo marine sont favorables, cette randonnée des phares n'a lieu que peu de fois dans l'année. Ce samedi 5 avril 2025 les conditions étaient réunies : mer calme à agitée, journée ensoleillée et vent faible.
Notre capitaine Thomas, certifié Capitaine 200 et marin expérimenté, et son coéquipier Léo seront nos guides pour cette journée à la rencontre des phares de la mer d'Iroise dont les mythiques phares de l'enfer. Dans le jargon des gardiens, les phares se classent en trois catégories : les phares en mer sont en « enfer », ceux à terre au « paradis » et ceux des îles au « purgatoire ».
N°1 - Phare de Kermorvan
Nous quittons le port du Conquet pour notre premier rendez-vous en mer. Situé à l'extrémité de la presqu'île du même nom, le phare de Kermorvan offre une vue imprenable sur la mer d'Iroise. Le phare mis en service en 1849 mesure 20 mètres de haut et indique les chenaux de la Helle et du Four. Sa tour, de forme carrée, est à l'époque assez originale. Il est le second ouvrage de ce type édifié en Finistère, après celui de l'Île Noire.
N°3 - Phare du Four
Nous apercevons ensuite le phare de Trézien situé dans les terres, mais trop loin pour être photographié, et poursuivons vers le phare du Four situé au large de Porspoder. Erigé sur un récif, sa construction, dans le chenal du Four réputé dangereux en raison de ses courants puissants et de ses écueils, fut longue et dangereuse puisqu'elle aura nécessité 11 années. Inauguré en 1874, il a ensuite été automatisé en 1993. Sa tour cylindrique de 28 mètres est surmontée d'une lanterne dont les vagues peuvent parfois atteindre son sommet, culminant à 31 mètres ! Son entretien a coûté cher en vies humaines. Le dernier drame, en 1978, a vu deux marins périr lors d'une mission de ravitaillement.
Quelques kayakistes avaient également profité des conditions de mer pour venir l'admirer de plus près.
N°4 - Le Phare du Stiff
Nous naviguons cap au nord-ouest pour rejoindre le premier phare construit sur l'île de Ouessant : le Phare du Stiff, un des plus vieux phares en France encore en fonctionnement,
Construit en 1695 sur le point culminant de l'île. à la demande de Vauban, il fut allumé en 1700, fonctionnant d'abord au charbon, puis en 1889 au pétrole. Au début du XXème siècle, il est doté d'un nouvel appareil optique. Électrifié en 1957, il est aujourd'hui automatisé et télécontrôlé à partir du Créac'h. Sa hauteur est de 33 m environ (90 m par rapport au niveau de la mer).
N°5 - Le Phare du Créac'h
Toujours sur l'île de Ouessant et facilement identifiable par sa tour de 55m de haut à bandes blanches et noires, le phare du Créac'h guide l'entrée des navires dans la Manche. Allumé en 1863, électrifié en 1888, équipé d'un feu-éclair en 1901 et de lampes à iodures métalliques en 1971, le Créac'h, qui signifie "promontoire" en breton, est l'un des phares les plus puissants du monde. Il balise l'une des routes maritimes les plus fréquentées de l'Atlantique
N°6 - Le Phare de Nividic
Le phare de Nividic est édifié entre 1912 et 1936 sur un rocher situé à la pointe de Saint-Pern, à l'extrémité ouest de l'Île d'Ouessant.
Le chantier est lancé en 1912 sur un site très difficile d'accès du à des courants violents et exposé à de brusques changements de temps. Il faut trois années pour réaliser le soubassement. La tour-balise en béton, entreprise en 1916, n'est achevée qu'en 1930. L'ouvrage est finalement réceptionné en 1936 mais il est éteint dès 1940 par les autorités allemandes d'occupation et laissé à l'abandon. Le feu, remis sous tension électrique en 1953, connaît de multiples pannes et reste difficile d'accès pour des interventions techniques d'où l'aménagement, d'une plate-forme pour hélicoptère au-dessus de sa lanterne en 1958. Alimenté un temps par des bombonnes de gaz héliportées, le feu fonctionne depuis 1996 grâce à l'énergie produite par des panneaux solaires.
De forme octogonale, il s'élève à 32,70 mètres au-dessus de la mer. Son aspect glace le sang ...
N°7 - Le Phare de la Jument
Le 16 juin 1896, le Drummond Castle, un vapeur de 110 mètres appartenant à la compagnie britannique Castle Line, transportant 246 personnes, hommes d'équipage et passagers, britanniques pour la plupart, heurte le récif entre Molène et Ouessant et sombre en moins de dix minutes. Seules trois personnes survivront ...
C'est suite à cette catastrophe du Drummond-Castle, et aux nombreux naufrages dans cette zone,. trente et un navires s'y sont perdus et y ont fait naufrage entre 1888 et 1904 ... que la commission des phares décida d'y améliorer le balisage et de construire un phare. Haut de 47m, le Phare de la Jument est donc bâti à 2 km au sud ouest de l' île d'Ouessant sur la roche Ar Gazec, qui signifie la jument en breton.
Sa construction très complexe : des conditions météorologiques difficiles, un site balayé par les tempêtes, traversé par le Fromveur l'un des plus forts courants d'Europe, s'est déroulée entre 1904 et 1911.
Le phare sera allumé le 15 octobre 1911 puis automatisé en 1991 et est dorénavant géré depuis le Creac'h sur Ouessant.
Si le phare d'Ar-Men est surnommé « L'enfer des enfers », celui de La Jument, qui fut ébranlé nombre de fois par des tempêtes effroyables, demeure « l'Enfer », dans la mémoire des gardiens de phare.
N°8 - Le Phare de Kéréon
Situé à 3 km au sud-est de l'île d'Ouessant, dans le passage du Fromveur (courant très violent, pouvant atteindre 16 km à l'heure, dont le nom breton signifie "grand torrent"), le phare de Kéréon trône du haut de ses 41 mètres sur l'écueil de Men Tensel, qui signifie "la pierre hargneuse". Sa construction entamée en 1907 dura 10 ans dans des conditions extrêmes, voyant même la mort de son chef de chantier. Alimenté en pétrole jusqu'en 1972, il est désormais électrifié et automatisé. Depuis 2004, date de la dernière relève, il ne reçoit plus la visite ni l'entretien des gardiens.
Grâce aux dons, le phare de Kéréon fut doter d'une salle avec un plancher orné d'une rose des vents en marqueterie et des lambris en chêne de Hongrie, cette riche finition lui valant le surnom de " Palace des enfers" par ses gardiens.
N°9 - Le feu des Trois Pierres
Nous passons ensuite le feu Les Trois Pierres, et son cormoran de garde ..., qui marque l'entrée de la passe de l'île Molène où nous accostons pour une courte pause déjeuner.

Après une courte pause sandwich sur l'île Molène nous reprenons la navigation accompagné par un banc de dauphins qui nous fait l'amitié de venir jouer aux abords et sous l'étrave du semi-rigide.
N°10 - Le Phare des Pierres noires
La construction du phare des Pierres Noires débute en 1867 et s'achève en 1872 date de sa mise en service. Il est le frère en construction du phare du Four. Haut de ses 28 mètres, il s'inscrit dans une volonté de sécuriser le chenal du Four réputé pour ses courants violents et ses nombreux récifs. Différents combustibles ont été successivement utilisés pour alimenter le feu : huile minérale en 1872 puis vapeur de pétrole en 1903. Le phare sera ensuite électrifié en 1984 et automatisé en 1992. En 1910, le phare subit une transformation esthétique et fonctionnelle : sa tour est peinte en blanc et rouge pour améliorer sa visibilité dans les conditions difficiles de la mer d'Iroise
N°11 - Le Phare d'Ar-men
Une longue traversée cap au sud nous permet de rejoindre le phare d'Ar-men, qui signifie la pierre en breton. Il fût construit entre 1867 et 1881 à l'extrémité de la chaussée de Sein à dix kilomètres environ à l'ouest de l'île du même nom. Le phare d'Ar-Men est célèbre, en raison de son caractère très isolé, des difficultés considérables qu'a présenté sa construction et du danger qu'il y avait à relever son personnel. Considéré comme un lieu de travail extrêmement éprouvant par les gardiens de phare, il a été surnommé « l'Enfer des Enfers ». Les coups de boutoir portés par la houle pendant les tempêtes pouvaient faire trembler tout l'édifice. En 1922, les gardiens sont restés dans le phare 101 jours. En raison de la météo, la relève était impossible. La situation aurait pu être dramatique car les vivres commençaient à manquer.
Il sera finalement automatisé en avril 1990.
N°12 - Le Phare de Goulenez
Le grand phare de l'île de Sein a été construit entre 1950 et 1951. Il succède à un premier phare construit sur l'île de Sein en 1839 mais détruit en 1944 lors de la Seconde Guerre mondiale. Situé sur la partie extrême occidentale de l'île, le phare de Goulenez mesure 51 mètres et comporte pas moins de 249 marches. Il sera automatisé en 2000.
Nous opérons une courte halte sur l'île de Sein pour un goûter breton offert par Archipel excursions.

Nous quittons l'île de Sein, et son front de mer aux maisons colorées, sous le regard du phare de Men Brial qui surplombe la sortie du port. D'une hauteur de 14 mètres, il a été construit en 1909 à l'emplacement d'un amer et d'un mât de signal et mis en service en 1910.
Situé à un mille en mer à l'ouest de la redoutable pointe du Raz, le phare de la Vieille est édifié entre 1881 et 1887 sur le rocher de Gorle Bella (la roche la plus éloignée en langue bretonne). Mis en service le 15 septembre 1887, il sera électrifié en 1995 et automatisée. Carré et trapu comme une tour médiévale, il dresse fièrement sa silhouette crénelée de 27 mètres de hauteur prêt à affronter les déferlantes qui lui sont familières.
La construction du Phare de Tévennec, sur l'îlot du même nom, situé au niveau du Raz de Sein, a nécessité plusieurs années. Débutée en 1869, elle s'est achevée en 1875, date de sa mise en service. Le Phare de Tévennec, traditionnellement connu pour sa légende de phare maudit, ou de phare qui rend fou, est l'unique maison-phare construite au large.
Entre légendes sinistres, rumeurs et malédictions ....
Pendant la construction de Tévennec, vers 1869, les ouvriers entendent sans cesse ce qu'ils pensent être des hurlements et des voix qui soupirent. Selon la rumeur, il s'agirait des supplications des naufragés qui ont péri au large au cours des siècles. Le premier gardien sombre dans la folie après quelques semaines passées dans les lieux. Lui aussi prétend avoir entendu des voix qui murmurent. Le second gardien, après sept longues années dans le phare, perdra lui aussi la raison. Par la suite, aucun des gardiens ne restera longtemps sur le rocher… Tous perdent la raison, se suicident, ou meurent dans des circonstances mystérieuses et généralement violentes.
En 1910, plus aucun gardien de phare ne souhaitant habiter dans la « tour de la mort ». le phare de Tévennec devient le premier phare automatisé de France.
Dans les années 1930, Charles Le Goffic, membre éminent de l'Académie française, publie à son tour un récit de la légende noire de l'édifice. La réputation de l'auteur fait que personne ne doute de la véracité de l'histoire et des faits évoqués.
Cependant, à la fin des années 1990, un historien spécialiste de la signalisation maritime, Jean-Christophe Fichou, remet en cause les rumeurs autour de Tévennec. Consultant les archives de Quimper, il affirme n'avoir constaté aucune mention concernant des gardiens devenus fous ou des morts étranges.
Finalement les hurlements entendus s'expliqueraient par la présence d'une grotte sous-marine sous l'îlot qui produit, lorsque les vagues s'y engouffrent, des hululement sinistres, tout-à-fait comparables à des cris.
Le phare de Toulinguet, maison-phare bâtie en 1848 et mise en service en juillet 1849, se situe à l'extrémité ouest de la presqu'île de Crozon, sur un terrain militaire.
N°17 - Le Phare de la pointe Saint Mathieu
Notre randonnée des phares s'achève sur le phare de la pointe Saint-Mathieu et son abbaye majestueuse embrasés par les derniers rayons de soleil. Le phare de Saint-Mathieu, Haut de 37 mètres, a été édifié en 1835 dans les ruines d'une ancienne abbaye.
Cette longue journée de navigation, qui n'est pas recommandée aux personnes ayant des problèmes de dos, s'achève. Nous rentrons à bon port au Conquet, un peu rincés !, la journée a été intense, mais avec des images plein les yeux.
Un grand merci à Thomas et son équipe d'Archipel excursions pour ce voyage dans l'histoire des phares.